Blanche, lisse, compacte, en surface la banquise présente une apparence de solidité. Ses bords ébréchés, accidentés laissent soupçonner quelque fragilité sans pourtant nuire à la stabilité de l’ensemble tant la glace paraît épaisse. Il suffit néanmoins d’un abaissement de température de quelques degrés, d’un vague courant marin naissant en profondeur, et c’est la débâcle : d’immenses blocs de glace se détachent et partent à la dérive, la banquise se fragmente, se dissout.

L’œuvre de Benoît Pierre, Banquise 1, dans cette fragilité, dans cette faille, cet écart infime sans doute mais suffisant pour trahir la précarité de l’ensemble. S’il le faut, la poudre blanche sur le sol confirmera le risque toujours présent d’un effondrement. L’attention que suppo-se toute œuvre d’art se double alors d’une tension. Saisis-sant la fragilité de la pièce, son instabilité, le spectateur ne peut ignorer que sa seule présence (un simple souffle, un geste déplacé,...) pourrait suffire à détruire l’œuvre.

Ce sentiment que nous pouvons avoir de la fragilité d’une personne ; la simple attention que nous portons aux objets qui nous entourent pour ne rien casser, ne rien abîmer ; la déférence même quasi sacrée que nous avons vis-à-vis de l’art et qui nous interdit de trop nous en approcher ; tant de noble prévention qui nous manque parfois cruellement lors-qu’il s’agit de prendre soin de ce qui se trouve là-bas, un peu plus loin. Pourtant, c’est bien là-bas, dans la pérénité des glaces, que se joue notre existence, ici et maintenant.

BANQUISE 1
air
(Thierry Cattan)
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