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La pelle à déneiger que Marcel Duchamp intitula en 1915 "advance of the broken arm" (de ses premiers ready-mades. Avec elle, l’objet industriel faisait son entrée dans le domaine de l’art, bouleversant les conventions, questionnant en profondeur la nature de la création artistique. Un siècle plus tard, que nous reste-t-il de ce questionnement ? De cette volonté de faire bouger la ligne de partage qui sépare l’art de notre quotidien ? De ce désir de réinventer la perception que nous avons du monde ?

La Pelle de Benoit Pierre s’impose comme un préliminaire incon-tournable à cette exposition. Puisqu’il y est question avant tout du temps qui passe, des mutations lentes qui transforment en pro-fondeur à la fois notre existence avec ses objets et notre environ-nement, il était naturel que les artistes y questionnent leur héri-tage. Duchamp s’y trouve donc invoqué non seulement parce que la galerie porte son nom mais aussi parce qu’il est un élément essen-tiel de la mémoire de tout artiste contemporain. Un siècle plus tard, que nous reste-t-il de la vi-talité de Duchamp ?

Au-delà de la problématique générale des ready-mades, il n’est certes pas anodin que Benoit Pierre ait choisi parmi eux la pelle à déneiger. De l’outil industriel flambant neuf, il a repen-sé la poignée et la lame en céramique d’un noir mat (prototype plastique noir) et n’a conservé que les cendres du manche. Jouant sur le contraste entre la blancheur froide de la neige et d’un reste de charbon noir, évoquant l’évolution des matériaux industriels comme celle de la sculpture au XXe siècle, passé. Usée, consumée, son signifiant malgré tout nous prend encore à contre-pied : derrière l’appel au soulèvement, il nous reste à prévoir la chute, le risque toujours présent de se ramasser.

(Thierry Cattan)
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LA PELLE
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